Omaha Beach
Autour
de moi, les touristes piétinent le sable mouillé.
Des mouettes poussent des cris rauques jusqu’à
ce qu’un habitué leur lance un morceau de pain.
Méfiants, les oiseaux effectuent quelques cercles avant
de se poser. La plus hardie s’empare de sa proie et
file vers le large; furieuses, ses congénères
suivent, glapissantes. Je jette un coup d’oeil circulaire
sur l’horizon. La mer est foncée par endroit,
plus claire à d’autres, sans doute du fait des
différences de profondeur. Des blocs de béton
jalonnent la vue. Autrefois port artificiel, ils ne servent
désormais plus à rien, sinon à rappeler
l’Histoire avec un grand H. Un peu plus loin sur la
gauche, un groupe d’enfants crient sur le sable. Ils
sont debout sur une vieille épave rouillée,
quelque chose qui, un jour, a dû flotter, peut-être
une des chaloupes d’abordage des alliés. Ce bout
de métal, selon l’avis des enfants, représente
une sacrée aubaine et un terrain de jeu idéal.
Les gosses sautent dessus comme s’il s’agissait
d’un château à conquérir, d’un
rocher mystérieux ; ils se poursuivent, se cachent,
explosent de rire dès lors que l’un d’eux
devient la victime des chatouilles d’un autre. Puis
ils repartent à l’assaut du monstre guerrier,
et du haut de ce promontoire, le sourire jusqu’aux oreilles,
les yeux pétillant de malice, sautent à pieds
joints dans les flaques, en affirmant au monde entier leur
vision du bonheur.
Voilà
le secret : le rire des enfants se nourrit de la guerre.
A
moins que peut-être, ce ne soit l’inverse.