Galette saucisse
Savait-il
ce que c’était que de rompre, lui qui me disait
de prendre mon mal en patience ? Avait-il une vague connaissance
de la douleur, l’anesthésiste amateur de mes
tourments intérieurs ? De sa bouche jaillissait au
fil des jours de sinistres japonais « Yaka, Taka, Onaka
»… « Y’a qu’a l’oublier
», « Y’a qu’à faire le deuil
», « On a qu’à dire qu’une
de perdue, dix de retrouvées… » Trois kamikazes
fondant sur ma tristesse, pour la réduire en charpie,
comme s’il était désormais important de
se reprendre, de présenter un visage affable, joyeux.
Mais important aux yeux de qui, sinon aux yeux de cet ami
qui n’en pouvait plus de me voir effondré ?
Je
crois que j’ai tout essayé pour ne plus penser
à elle.
J’ai
regardé des conneries à la télé.
Ce fut facile d’en trouver.
J’ai
profité des bras ouverts de mes copines, et savouré
leurs câlins. Une ou deux ont remis mes mains à
de justes places, car il semblerait que la détresse
me poussait à d’étranges dérapages
sur leur fessier. (soupir) J’ai passé de nombreuses
soirées à des terrasses de café avec
des inconnus, des tas de gens, même des cons. Surtout
des cons, comme ça vu mon état, pour une fois
je ne m’énervais pas, sauf quand on me demandait
pourquoi j’avais les yeux rouges… « c’est
parce que je fais de la conjonctivite, et OUI TOUT VA TRES
BIEN !!!!!!!!! »
Mais
le nec plus ultra du lâcher-prise, le master class de
la compensation, le césar du grand soulagement fut
une invitation au stade rennais, dans la tribune des supporters.
Avec cette amie, j’ai hurlé à m’en
briser la voix, contre l’équipe adverse, contre
l’arbitre, enfin bon, je n’y comprenais rien,
mais c’était bon, cet instant animal, dense.
Cette foule.
La
souffrance, on la repousse, et on la fuit. Mais n’est-elle
pas le revers du besoin d’amour ? Deux forces opposées,
entrainant une roue de fortune qui nous conduit, bon gré
mal gré, dans les chemins cabossés de la vie.
Ce
jour-là, au stade rennais, j’ai eu la sensation
d’être pleinement à ma place. Hurlant ma
douleur.
Mais
en route.